dimanche 12 octobre 2008

Survol de l'Eden

Après quelques semaines de préparation et d'impatience, nous survolons les Balkans, passerelle entre l'Europe et l'Asie. Cette région a vu croître et décliner plusieurs civilisations : Grecque, Romaine, Byzantine et Turque. Quelle galère pour les peuples, quelles avanies ont eu à subir ces masses de gens, paisibles dans leurs campagnes. Hier encore... Derrière le hublot, des nuages apparaissent et disparaissent, se forment et se déforment comme de la mousse au gré des courants. De temps en temps, de furtifs éclats de lumière surgissent pour m'éblouir, tandis que la chaleur s'amplifie dans mon corps passif. Pas de réaction brusque, aucune rébellion, j'accepte le message, ou plutôt je contemple cette vérité.
Ainsi, l'âme des peuples contemple l'histoire, ses merveilles et ses pires horreurs. Picart dort, profondément. Près de nous une vieille femme marmonne. Ses mots sont de véritables énigmes. D'une religiosité lascive, une oraison du bonheur, sûrement, exhale son humeur. Mon coeur bat à toute vitesse. Maintenant je suis gagné par la fatigue. Et j'ai sommeil. Dans quelques heures nous serons à Mumbaï. Je m'endormais pour rêver au-dessus des nuages, à dix mille mètres d'altitude environ. Dès mon réveil je regarde Picart souriant, tranquille.
- Tout va bien ? demande-t-il, régénéré par une sieste aérienne.
- Ca va, j'ai eu quelques impressions.
- Moi aussi, dit-il, j'ai fait un rêve étrange. Des ronds de nuées comme des baisers qui descendaient du ciel ; c'était un feu d'artifice, une fête populaire bizarre. Des choeurs d'anges frappés de lumières éphémères et des milliers de soleils, sous les arcanes du monde, dont la foule muette, remplissaient mon coeur de joie.