lundi 17 novembre 2008

Le char solaire

Nous quittions les sables chauds en remontant le lit d'une rivière asséchée. Nos instincts prenaient l'eau comme de vieilles barques à l'étang, nous pensions en commun et j'agissais à la manière d'un prophète, convaincu et libérateur. Ses yeux de biche pleins de chaleur m'envoûtaient facilement. Dès que nous fûmes arrivés dans notre case, à l'abri des regards, je la ceignis de mes bras. Nos souffles s'approfondirent, et je sentis brusquement mes longues et innombrables phanères qui commençaient à se tendre. L'inspir et l'expir s'accéléraient, le yin et le yang tournoyaient aux rythmes des pulsions de nos coeurs. Le yin ondulant comme le serpent, prudent et sournois, et le yang furieux comme un sar Assyrien. Quelque chose se passait, qui donnait à penser ailleurs, un cri de corneille sur le toit de palmes d'une case voisine, un toussotement sec et bref venant de nulle part et allant partout pour trouver un écho, des litres d'eaux jetés sur le sol...

Les souvenirs attendent nos instants d'inattention, ces temps morts où l'on est relâché, détendu, ils rappliquent pendant nos silences comme des mouches sur un organique quelconque. Comme sur la Piazza Navona un été en août, où je croquais ces couples distraits, assis devant l'obélisque, ces oiseaux de couples qui pensent à eux et parlent dans une langue hyper codée. Je dessinais leurs silhouettes légères et parfumées, pendant qu'ils roucoulaient rondement avec fierté. Les formes étalées de mes cryptopathes enlacés rendaient sur le papier ocre la lumière des tons de couleurs dominantes, chaudes et généreuses, sans complaisance juste par charité. Lakshmi dévorait ma vie à des milliers de kilomètres. Les destins se croisent sur des routes incertaines, quand un vent d'amertume se brise à l'horizon.

Après que je l'eus embrassée, elle se retira dans un spasme hors du temps. Nous reprenions un peu d'air, un peu de fraîcheur et nous nous enfoncions l'un dans l'autre, si près que dans nos mouvements ophidiens le temps et l'espace semblaient fusionner. La peau brunie de ses ancêtres reluisait sous les gouttelettes de sueur, je goûtais à sa fièvre nuptiale pleine d'espérance. J'étais rempli d'un sentiment profond, quelque chose d'impersonnel. Lakshmi fermait les yeux. J'oubliais tous mes souvenirs pour être tout au présent. Le ventilateur brassait l'air chaud dans une ronde interminable et le sifflement des hélices couvrait tous les bruits extérieurs. « Embrasse-moi... », disait-elle, allongée sur la natte de paille mouillée, « ...fais-moi l'amour, encore... ». Son français délicatement indianisé nourrissait toutes mes forces avec soin. Jamais je n'avais eu autant de vigueur, mes muscles se durcissaient et son corps s'ouvrait comme une fleur de lotus. Elle s'était épanouie sous une lune de marbre. En quittant la nuit, tous deux, nous nous sentîmes accomplis, remplis d'une fraîcheur indescriptible

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